Un petit coup d’oeil sur l’art symboliste en Allemagne

La Sécession de Munich et son contexte

A la fin du XIXème siècle et durant la première décennie du XXème siècle, l’art symboliste prédominait dans toute l’Europe entière, nous avions alors une Europe symboliste si l’on peut dire. Des pays comme la France, la Belgique, l’Italie ou encore l’Allemagne s’essayaient à cette tendance. En effet, l’art symboliste n’est pas apparu comme un mouvement stylistique en soit mais comme une tendance à suivre, tendance touchant toute l’Europe. Le développement le plus important de l’art symboliste mis à part la France et l’Angleterre a eu lieu en Europe Centrale.

L’art symboliste allemand, quelque peu moins connu que celui de la France, de Vienne ou encore de l’Angleterre, compte des artistes d’une grande renommée comme Arnold Böcklin que nous connaissons déjà ou encore Franz van Stuck (1863-1928) pour ne citer qu’eux. Il est l’une des figures majeurs quant au développement de l’art symboliste en Allemagne, il contribua de façon très importante au développement de cette tendance avec sa production artistique. Stuck est un des membres fondateurs de la sécession munichoise qui a eu lieu en 1892.

Cette sécession est la toute première a avoir lieu en Europe, bien avant celle de Berlin ou de Vienne. Il faut savoir que Munich à l’époque est considérée de façon universelle comme la capitale artistique de l’Allemagne. Il y a une véritable tradition symboliste à Munich même. Elle accueille de nombreux artistes venus de toute part mais principalement de Berlin et de Vienne. La sécession de Munich est la première a s’imposer face aux règles et conventions artistiques instaurées dans les Salons. Elle souhaite révolutionner tout cela, et c’est précisément ce qu’elle va faire. Nous sommes dans un contexte artistique où l’Etat régit les arts. L’Etat applique les volontés du prince Léopold de Wittelsbach, qui a une politique artistique bien à lui. Il veut instaurer une peinture d’histoire nationaliste.

Les artistes de la Sécession à Munich vont s’y opposer et vont ouvrir la voie au modernisme dans l’art. L’art va connaitre un souffle nouveau.

Du côté de la production artistique en Allemagne 

Il est intéressant de se pencher sur la production artistique symboliste en Allemagne afin que vous fassiez vous lecteurs, un tour d’horizon de ce que l’on pouvait rencontrer comme oeuvres à l’époque. Il est intéressant de noter que les oeuvres symbolistes allemandes sont encore attachées au Romantisme pour certains. Néanmoins, les sujets exploités par les symbolistes allemands sont pour la plus grande majorité dans la veine mythologique et allégorique. C’est le cas également en France avec Gustave Moreau ou encore à Vienne avec Gustav Klimt comme vous pouvez le voir dans les articles postés sur notre blog. La tendance symboliste ne diffère pas tellement de pays en pays. Cependant, cela n’enlève en rien à la facture des oeuvres qui demeure d’une beauté magique. Voici quelques exemples d’oeuvres symbolistes allemandes ayant des sujets mythologiques ou allégoriques :

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Arnold Böcklin, Combat de Centaures, 1873

Le thème mythologique des centaures est mis à l’honneur ici avec ce tableau qui lui est dédié. Franz Van Stuck va produire « Le Baiser du Sphinx », 1895. Nous avons affaire ici à une oeuvre mythologique relatant un épisode « d’Oedipe et le Sphinx » mais qui est ici revisité par l’artiste et fortement érotisé.

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Franz von Stuck, Le Baiser du Sphinx, 1895

Alfred Kubin va nous faire une oeuvre allégorique dépeignant l’inconnu ici :

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Alfred Kubin, Into the unknown, 1900-01

Max Klinger, un des disciples d’Arnold Böcklin qui va travailler sous sa direction :

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Max Klinger, Le Larcin, 1878-1880

Les peintres allemands par la suite on vite abandonné le symbolisme pour se tourner vers l’Expressionnisme coloré du Die Brücke ou encore vers le Der Blaue Reiter.

 

LUCIE-SMITH Edward, Le Symbolisme, Paris, Thames&Hudson, L’univers de l’art; 77, 1998, 216p.

DEBRAY Cécile, « Le Symbolisme : un mouvement européen »[en ligne], consulté le 3 Avril, 2016. URL : http://www.erudit.org/culture/va1081917/va1140393/53441ac.pdf

CUZIN Jean-Pierre, LACLOTTE Michel, « symbolisme »,in Dictionnaire de peinture Larousse [en ligne], Paris, Paris : Larousse, 1997, 991p. Consulté le 1er Avril 2016. URL: http://www.larousse.fr/encyclopedie/peinture/symbolisme/154572

Vic.H

Vienne au temps de la Sécession

Afin de situer au mieux les artistes présents dans les différents articles, il est primordiale de comprendre comment chaque région, capitale, a vécut ces périodes de renouveau artistique et notamment Vienne avec la Sécession.

Au tournant du XIXème et du XXème siècle, la ville de Vienne est un pôle culturelle : la « Mitteleuropa ». La croissance démographique est immense (le million d’habitants est atteint), Vienne est la capitale de l’Empire composé de 15 nations et l’économie est en flèche. Ce contexte culturel, économique et social est idéal pour l’implantation des idées symbolistes françaises. Vienne devient alors un terrain fertile à la création et au changement.

En ce qui concerne le contexte artistique, deux tendances se développe au sein de la ville. L’Aristocratie est ancrée dans un Académisme installé depuis longtemps, qui dicte les règles et le goût; et la Bourgeoisie qui se trouve en dehors de l’action politique, cherche à s’évader, notamment grâce à l’art. C’est cette dernière tendance qui va permettre « l’avènement » du symbolisme. De plus, il ne faut pas oublier que la psychanalyse de Freud est très présente à l’esprit des artistes et dans la société viennoise. Un peintre comme Klimt fera tourner la majorité de ses créations autour du rêve et des émotions.

Comme les Préraphaélites, le symbolisme opère une redécouverte du Moyen-Age et de la mythologie antique. Hevesi parle d’influences « anglaises, belges, japonaises, grecques anciennes, stylistiques naturaliste, ornementales … ». Ce répertoire est utilisé pour l’expression des sentiments, les émotions obscures et insaisissables sur un plan rationnel. Les recherches symbolistes vont dès lors se porter sur plusieurs aspects, dont la figure féminine. Celle-ci, chez Klimt et les autres, sera l’occasion d’étudier, d’explorer de manière artistiques, les mystères du sexe féminin. Ainsi, la tension sexuel réprimée par la convention et l’Académisme est sublimée dans cet art.

La Sécession 

Suite à l’échec cuisant de son œuvre monumental de La Philosophie, La Médecine et La Jurisprudence créée pour les murs du hall de l’Universté de Vienne; Klimt s’éloigne de l’Académisme et des artistes officiels, qui contrôlent entièrement le marché de l’art.

Vingt artistes dont Hofmann, Moll, Möser et Klimt lui-même, fondent en 1897 la Sécession : Sezessionsstil ou Wiener Secession en allemand.
Les objectifs de la Sécession sont exposés dans la revue Ver Sacrum (Printemps Sacré en français) et le lieu d’exposition est le palais de la sécession réalisé par Joseph Maria Olbrich. Sur le fronton il est inscrit : « A chaque époque son art, à l’art sa liberté ».
Il n’y a aucun programme précis sur plan stylistique mais il existe un accord mutuel sur une réflexion sur l’art.

Ce qui régit principalement les artistes de la sécession est la notion d’art totale, Gesamtkunstwerk, définie par Runge et développée par Wagner.

Les premières années font preuve d’une grande inventivité et productivité, l’inspiration principale provient de l’Art Nouveau français et des Arts and Crafts anglais. C’est un art neuf et sincère où les « habituelles expositions d’art traditionnel » prennent fin avec l’exposition de la Frise Beethoven de Klimt selon Störh. C’est en 1902 que cette oeuvre est exposé lors la 15ème exposition de la Sécession. Au centre du pavillon, Klimt interprète la Neuvième symphonie de Beethoven; convaincu du but suprême de la peinture de s’intégrer à a perfection dans un cadre architectural. Les artistes de la Sécession ont le même désir de faire éclater les institutions et de refonder la scène artistique viennoise. Tout ce qui est nouveau les intéresse.

En 1903 a lieu la « Première scission ».
Hoffmann, Moser et l’industriel Waerndorfer veulent allier les beaux arts et les arts nouveaux, pour une forme d’art total accessible à tous. C’est la Wiener Werkstätte (l’atelier viennois). Un nouveau souffle apparaît dans les arts appliqués.

Et après ? Une volonté d’ouverture sur le monde se fait sentir. De nombreux échanges entre Munich, Berlin et la Scandinavie ont lieu avec des artistes comme  Toorop, Khnopff, Munch.

« Notre art n’est pas un combat des artistes modernes contre les anciens, mais la promotion des arts contre les colporteurs qui se font passer pour des artistes et qui ont un intérêt commercial à ne pas laisser l’art s’épanouir. Le commerce ou l’art, tel est l’enjeu de notre Sécession. Il ne s’agit pas d’un débat esthétique, mais d’une confrontation entre deux états d’esprit ». Hermann Bahr

J. Sennepin

SOURCES

FELLINGER Markus, Au temps de Klimt : la Sécession à Vienne [exposition, Paris, Pinacothèque de Paris, 12 février-21 juin 2015], Paris, Pinacothèque de Paris

Yve-Alain BOIS, « SÉCESSION, mouvement artistique », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le 7 mars 2016. URL : http://www.universalis-edu.com/encyclopedie/secession-mouvement-artistique/

Emission radio de Canal académie par Brigitte Ducousso-Mao, professeur d’histoire de l’art à l’Association Philotechnique.