Les influences de Gustave Moreau

Gustave Moreau nait à Paris en avril 1826 et dès son plus jeune âge, ne cesse de dessiner. Il parvint à entrer à l’âge de 20 ans à l’Ecole des Beaux-Arts où il reçut un apprentissage pratique et théorique. Cette formation, reconnue et presque indispensable pour les apprentis peintres français l’influença sans doute dans les sujets qu’il traita. En effet, il se définissait lui-même comme un peintre d’Histoire, aussi bien antique que sacrée. Cette conception, encore très académique de la formation artistique de la moitié du XIXe siècle, est très présente dans ses œuvres, où l’on remarque qu’il est imprégné de cette hiérarchisation de l’art, où la peinture d’Histoire et les allégories sont au sommet. Mais tout en conservant cette filiation avec l’art académique, il sut s’en détacher et donner un nouveau souffle à ce genre dans la manière de traiter ces thèmes. André Breton dit même que son génie repose dans sa façon de revivifier les mythes antiques et bibliques.
Ses sources d’inspiration sont multiples et se sont nourries et enrichies au fur et à mesure de sa vie. Il convient tout d’abord d’aborder l’influence de l’art italien renaissant dans ses œuvres. Il est vrai que le traitement des corps est frappant de ressemblance avec les artistes renaissants. Par exemple, dans son carton pour le tableau Tyrtée, observable dans son musée parisien, la musculature et la position du corps du personnage central doivent être rapprochés de la figure du Laocoon, redécouvert en 1506, qui influença énormément Michel-Ange et Raphaël, artistes qu’il put admirer et copier lors de son voyage en Italie en 1857.

Gustave Moreau, Carton pour le tableau « Tyrtée »

Laocoon et ses fils, marbre, copie d’un original hellénistique de 200 av. JC

Son tableau Les Prétendants, réalisé en en 1852 et agrandi en 1882, est presque indissociable du Massacre des Innocents de Ghirlandaio, autant dans l’agitation de la scène que dans son caractère chaotique.

Gustave Moreau, Les Prétendants, huile sur toile

Ghirlandaio, Massacre des Innocents, fresque, v. 1490

Ainsi, au-delà de l’influence de la Renaissance, Gustave Moreau puise surtout son inspiration dans l’Antiquité à travers ce qu’il a pu observer en Italie. On peut constater que dans toutes ses œuvres majeures où il traite des sujets antiques tirés de l’Odyssée d’Homère, ou des Métamorphoses d’Ovide, il réalise presque systématiquement une architecture de type antique, sous la forme de temple avec des frontons, des chapiteaux ioniques, corinthiens… Mais cette influence de la Renaissance tardive est contrebalancée par l’omniprésence de détails tirés du gothique international, caractéristique du Quattrocento avec une profusion d’or ou encore d’arcs brisés qui rappellent les triptyques italiens, comme avec sa Salomé dansant et Le Triptyque de l’Annonciation de Lorenzo Monaco.

Lorenzo Monaco, Triptyque de l’Annonciation, tempera sur bois, 1410-1415
Gustave Moreau, Salomé dit Salomé dansant devant Hérode, Huile sur toile, 1876

A partir de cette constations, il convient de remarquer une atmosphère byzantine dans ses œuvres, à nouveau sensible par la touche dorée qu’il ajoute dans la presque totalité de ses œuvres mais aussi dans la position des personnages, et spécifiquement dans son aquarelle de Narcisse et sa Léda, où chacun présente la position de la Vierge de la Nativité emprunté au style byzantin, où elle est représentée allongée avec une grande stylisation de ses formes, suivant une ligne serpentine allant de ses épaules à ses pieds.

Gustave Moreau, Narcisse, aquarelle, non daté
Gustave Moreau, Léda, huile sur toile, non daté
Andreï Rublev, Icône de la Nativité, huile sur bois, 1405

Mais Gustave Moreau eut également d’autres sources d’inspiration qui s’inscrivent en réalité dans la continuité de celles énumérées précédemment. Pierre-Louis Matthieu (2) met en exergue dans son article l’influence des miniatures persanes et indiennes qu’il observe au cabinet des estampes de la Bibliothèque nationale, ou encore les émaux, ou même les estampes japonaises. Cette combinaison d’influences orientales est à son paroxysme dans son œuvre Jupiter et Sémélé, qui se présente réellement en rupture avec tout ce qu’il avait fait auparavant, aussi bien dans le traitement des couleurs, que dans la profusion des détails, ou dans la signification spirituelle de l’œuvre-même. En effet, il souhaitait, selon ses propres mots permettre aux hommes et leurs âmes de trouver « toutes les aspirations de rêve, de tendresse, d’amour, d’enthousiasme et d’élévation vers les sphères religieuses » (1) avec donc une volonté d’ascension, de la sphère terrestre vers un espace paisible, olympien, qui est représenté ici comme une utopie.

Gustave Moreau, Jupiter et Sémélé, huile sur toile, 1896

(1) MOREAU Gustave, L’Assembleur de rêves. Écrits complets, P.-L. Mathieu éd., Fata Morgana, Montfroide, 1984
(2) MATHIEU Pierre-Louis, « MOREAU GUSTAVE (1826-1898) », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le 13 février 2016.
URL : http://www.universalis-edu.com/encyclopedie/gustave-moreau/

Laisser un commentaire