Et aujourd’hui ?

La popularité de Gustav Klimt aujourd’hui est quasiment inégalée. Les expositions à travers l’Europe sur son travail sont constantes  et les réalisations de l’artiste sont surexposées.

Comment un peintre qui évolue dans la sphère artistique viennoise se retrouve à faire l’objet d’une fascination internationale ?

L’explosion du groupe de la Sécession en 1905, en est le point de départ. C’est ce que l’on nomme la « Deuxième scission » en référence à la première qui a eu lieu en 1903. Celle-ci est définitive et impacte profondément le travail de notre artiste.
Une séparation nette s’opère entre les artistes naturalistes et d’autres comme Klimt, Moser ou Hoffmann. Ces derniers quittent la Sécession pour créer l’Association des artistes autrichiens. On assiste dès lors à une production de peintures nouvelles.

De nouveaux portraits féminins apparaissent dans l’oeuvre picturale de Klimt sur le type de « la femme fleur »; ainsi que des paysages aux accents lyriques.

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Gustav Klimt, La Vierge, 1912, Galerie Nationale, Prague, [Public domain], via Wikimedia Commons
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Gustav Klimt, La Ballerine, 1916

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Gustav Klimt, Avenue of Schloss Kammer Park, 1912, the Österreichische Galerie Belvedere, Vienne, [Public domain], via Wikimedia Commons

 

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Gustav Klimt, Poppy Field, 1907, the Österreichische Galerie Belvedere, Vienne, [Public domain], via Wikimedia Commons

 

 

 

 

 

 

 

 

 

De 1909 à 1910, il abandonne l’or  la mythologie mais aussi le décor géométrique qui étaient omniprésents dans ses toiles. Il opère une véritable mise à jour de sa peinture. On le voit dans les oeuvres présentées ci-dessus; la matière et la couleur s’inscrivent désormais sur le modèle de Van Gogh ou de Matisse (que Klimt a pu découvrir en même temps que d’autres artistes Fauves au Salon de 1905).
Le pinceau devient alors plus libre et Klimt fait preuve d’un certain goût pour l’improvisation.
Les fonds tels des mosaïques byzantines font place à des tapis multicolores, aux fleurs et aux motifs orientaux. C’est ce que l’on nomme le « style fleuri » où les contours des toiles sont gonflés comme une fleur en plein épanouissement. Enfin nous percevons toujours un érotisme dans ces oeuvres mais celui est plus « pensé » et moins exhibé. Dans la fin de son œuvre, c’est ainsi une ode à la vie qui évolue dans ses toiles, où la mort n’est plus mentionnée. Il opte pour une palette vive et éloigne l’homme en tant que sujet de ses compositions, notamment à cause de la guerre qui frappe l’Europe. Le repos et la sérénité dominent dans un art qui se veut absolu et intemporel.

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L’arbre de vie (détail), détail de la fresque du Palais Stoclet, 1905-1909, Österreichisches Museum für angewandte Kunst, [Public domain], via Wikimedia Commons

Certains artistes autrichiens vont s’emparer du travail de l’artiste et devenir en quelque sorte ses héritiés. Ils s’approprient les inspirations de Klimt et vont exacerber ses interrogations pour tendre vers un style différent : c’est la naissance de l’Expressionnisme. On peut alors citer des artistes comme Kokoschka ou encore Schiele.

 

Klimt et le marché de l’art 

S’intéresser à la postérité d’un artiste peintre c’est aussi étudier sa diffusion sur le marché  artistique.

D’après des documents tels que les livrets de compte, nous pouvons affiner le parcours marchand de l’artiste. Tout commence par le bouche à oreille. La qualité de son travail est louée et Klimt se retrouve très vite pris en charge. Les comptes de la galerie Miethke nous montre que le peintre était déjà très côté de son vivant. Sa popularité ne cesse de grimper aux sein du marché de l’art mais reste tout de même raisonnable pour l’époque. C’est la Sécession qui lui apporte notamment cette stabilité. A la fin de la Sécession néanmoins, il n’a plus de marchand. Il se liera ensuite jusqu’à sa mort avec la galerie Nebehay. La diffusion de son oeuvre est alors totale, l’engouement est grand et la postérité de Klimt est assurée grâce à ces différents acteurs marchands. A sa mort, son œuvre est dispersée dans sa famille et dans les musées. Une exposition de ses dessins est organisée par la galerie Nebehay

Aujourd’hui, la popularité de l’artiste est mondiale, aussi bien au niveau du grand public que des experts : c’est une diffusion de son oeuvre durable et rare.
Les produits dérivés sont nombreux (posters, affiches, tableaux, accessoires, …)
Klimt et l’érotisme sont une source d’inspiration immense, une fascination inlassable surtout dans le domaine de la publicité.
Vienne voue un culte à son oeuvre, par exemple lors du concert du Nouvel de la Philharmonie où l’on voit toujours le Baiser. De plus, l’état est à l’origine de l’achat de la Frise Beethoven, il la restaure et produits des copies pour une large diffusion et une accessibilité.

Les expositions sur le sujet se multiplient :

  • Traum und Wirklichkeit (rêve et réalité) à Vienne en 1986.
  • En 2015 à la Pinacothèque de Paris : Au temps de Klimt, la Sécession à Vienne
  • Au Belvédère à Vienne : The Women of Klimt, Schiele et Kokoschka, 2015
  • Au Kunsthistorisches Museum (fresques dans les escaliers et les écoinçons)
  • Au Burgtheater (esquisses)
  • Au MAK (études préparatoire de la « Frise Stoclet »)

 

J. Sennepin

 

Sources

FELLINGER Markus, Au temps de Klimt : la Sécession à Vienne [exposition, Paris, Pinacothèque de Paris, 12 février-21 juin 2015], Paris, Pinacothèque de Paris

SEVILLIA Jean, « A Vienne, dans les pas de Gustav Klimt », Le Figaro (en ligne), consulté le 10 avril 2016. URL : http://www.lefigaro.fr/voyages/2012/03/22/03007-20120322ARTFIG00850–vienne-dans-les-pas-de-gustav-klimt.php

La postérité de Gustave Moreau

La postérité de Gustave Moreau est assez controversée, quand on pense déjà à la réception de ses œuvres de son vivant. En effet, il présenta régulièrement ses œuvres au Salon et certaines furent appréciées comme Œdipe et le Sphinx en 1864, qui présente, selon les critiques de l’époque, tous les traits caractéristiques de la facture du peintre (1). Mais en 1869, le rejet de ses œuvres Prométhée et Jupiter et Europe le fit prendre de la distance face à ce système d’évaluation des œuvres et il s’isola dans son atelier. Il convient de voir apparaitre le second aspect de la mémoire de Moreau, qui peut être vu aujourd’hui comme un artiste solitaire, renfermé ; mais cet état d’esprit a été alimenté par Moreau lui-même, qui est sans doute le premier à avoir construit sa réputation, ainsi que sa notoriété posthume. Tout d’abord, il entretenait cette image d’artiste retiré en faisant le moins d’apparition possible en public et en ne vendant que très peu de ses œuvres aux particuliers. Comme l’exprime Pierre-Louis Mathieu, tout ceci contribua à « créer autour de lui la légende d’un solitaire reclus dans sa maison de la rue de La Rochefoucauld à Paris » (1).

Gustave Moreau, Œdipe et le Sphinx, huile sur toile, 1864
Gustave Moreau, Prométhée, huile sur toile, Musée Gustave Moreau
Gustave Moreau, Jupiter et Europe, huile sur toile, Musée Gustave Moreau

De la même manière, c’est lui seul qui prépara sa gloire posthume en décidant la mise en œuvre de son propre musée. Comme l’explique Isabelle Chenu (2), journaliste culture, il organisa trois ans avant sa mort, en 1895, la transformation de son hôtel particulier en musée « afin d’y conserver 25 000 œuvres ». Moreau décida ainsi de mettre en valeur son travail, notamment en agrandissant son atelier pour y placer ses œuvres en vue de la mise en place du futur musée, comme le précise Marie-Cécile Forest, directrice des lieux. Gustave Moreau a donc été acteur de sa notoriété et travailla lui-même à sa renommée actuelle.

Ensuite, on peut déceler la postérité de Moreau dans le travail de ses élèves. En effet, il a été professeur à l’Ecole des Beaux-Arts de Paris de 1892 à sa mort en 1898 ; et cette position de pédagogue le plaça favorablement pour faire passer ses théories, sa vision de l’art qui était très particulière et notamment très mystique. Mais il n’en demeure pas moins qu’il laissait une très grande liberté à ses élèves, refusait de leur montrer ses œuvres, afin de ne jamais les influencer (1). Ainsi, en travaillant à développer « les qualités innées de ses élèves », il fut l’instigateur du mouvement fauvisme parmi lequel on retrouve Henri Matisse, Albert Marquet, Henri Manguin, Charles Camoin, ou encore Georges Rouault, dont chacun passa entre les mains de ce maître sensible qui voulait avant tout leur transmettre « l’imagination de la couleur », ce maître, à la fois acteur et assujetti à sa propre postérité.

Ainsi, Gustave Moreau, dès ses premiers pas dans le monde de l’art, fut inquiet de sa postérité comme le montre une de ses lettres de 1862 où il écrit « Je pense à ma mort et au sort de mes pauvres petits travaux et de toutes ces compositions que je prends la peine de réunir ». Cela confirme qu’il travailla toute sa vie à construire sa gloire posthume, qu’il voulait certaine, et assura ainsi son entérinement dans l’Histoire de l’art (3). Mais malgré l’image qu’il s’était construite d’artiste maudit, il était très admiré de ses contemporains, comme Edmond de Goncourt, qui écrivait que ses « « aquarelles d’orfèvre-poète semblent lavées avec le rutilement, la patine des trésors des Mille et Une Nuits » (1) ; des poètes comme José Maria de Heredia ou Théodore de Banville transposèrent certaines de ses œuvres en poésie ; ou encore, le grand Marcel Proust qui, après avoir réalisé des articles dans sa jeunesse, qui célébraient la facture du peintre, son travail du coloris et le dynamisme mystique de ses toiles, lui rendit hommage en décrivant l’un de ses tableaux dans son ouvrage A la recherche du temps perdu (4).

(1) Pierre-Louis MATHIEU, « MOREAUGUSTAVE – – (1826-1898) », Encyclopædia Universalis [en ligne], http://www.universalis-edu.com/encyclopedie/gustave-moreau/ (consulté le 23/03/2016)

(2) CHENU Isabelle, « La maison-musée du peintre Gustave Moreau a retrouvé son éclat », Radio Française Internationale, [en ligne] http://www.rfi.fr/france/20150319-maison-musee-gustave-moreau-retrouve-son-eclat (consulté le 23/03/2016)

(3) LAUTREAMONT Agathe, « Ateliers d’artistes devenus musées (épisode 4) : le musée Gustave Moreau », Exponaute, [en ligne], http://www.exponaute.com/magazine/2016/01/21/les-ateliers-dartistes-devenus-musees-episode-4-lhotel-particulier-de-gustave-moreau-a-paris/ (consulté le 23/03/2016)

(4) PROUST Marcel, Contre Sainte-Beuve, Editions Gallimard, Paris, 1978, pp. 667-674, http://musee-moreau.fr/sites/musee-moreau.fr/files/dossier_de_presse-musee-gustave-moreau_0.pdf (consulté le 23/03/2016)

Arnold Böcklin et sa postérité

Il est passionnant de se pencher sur la postérité que peut avoir notre artiste Arnold Böcklin de nos jours, mais également d’aller regarder vers le passé pour voir quelle pouvait être sa notoriété. Notre artiste, bien que suisse, est considéré comme l’un des principaux symbolistes allemands du XIXème siècle. Il a « fait reculer les limites de l’art et multiplier les possibilités d’expression » (1). Il connait sa période de gloire à partir des années 1880 jusqu’aux années 1890. Il est à cette époque l’artiste le plus influent dans le monde germanophone. Le jour de sa mort, les commémorations se succèdent, le monde artistique rentre dans un douloureux deuil.

En effet, Arnold Böcklin jouit d’un grand succès en Allemagne où il est reconnu comme un des plus grands artistes de son temps, ainsi qu’en Europe. Cependant, la France refuse de s’ouvrir à cet artiste symboliste. La guerre Franco-Prussienne (1870-1871) a fait naître au sein du territoire français , un anti-germanisme fort. Toutefois, il faut comprendre cette germanophobie dans son ensemble et pas seulement comme une conséquence de la Guerre de 1870.

Dans un contexte peu favorable à la réception de la production artistique de Böcklin, il y a des poètes français qui vont manifester leur goût envers l’artiste. Ils apprécient ses oeuvres chargées de symboles qui font échos à leurs poèmes. Toutefois, les critiques élogieuses et négatives s’entrechoquent. Les commentaires sur Böcklin fusent et sont bien plus nombreux qu’en Angleterre ou en Italie. Bien que mis de côté, quelque peu délaissé par le grand public, notre artiste n’est pas ignoré. Les revues littéraires françaises les plus novatrices s’intéressent à la littérature, à la philosophie, en somme à la culture des pays germanophones.

Par conséquent, Böcklin est étudié et discuté. Un grand poète français, Jules Laforgue ne tarit pas d’éloges à son encontre et fait découvrir à ses amis symbolistes l’art de cette grande figure du symbolisme allemand. Arnold Böcklin comme Gustave Moreau va connaitre de vives critiques à son égard, en ce qui concerne sa production artistique. Les poètes et écrivains par leurs critiques dithyrambiques vont faire naitre des déceptions auprès des spectateurs qui vont trouver les oeuvres trop idéalisées.

Arnold Böcklin est admiré par les expressionnistes allemands comme Lovis Corinth par exemple, pour ne citer que lui. Celui-ci utilise des motifs mythologiques grecques et chrétiens en les parodiant. Ce gout de la parodie nous le devons à Arnold Böcklin (2). Les peintres surréalistes dans les années 1910-1920 vont découvrir notre artiste. De Chirico, Max Ernst vont s’inspirer de sa production artistique pour créer des oeuvres singulières lui faisant échos. De Chirico par exemple va s’inspirer du tableau Mélancolie, 1871  et va et va créer ainsi l’oeuvre Malinconia della partenza, 1916.

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Max Ernst va lui aussi s’inspirer d’une oeuvre de Böcklin s’intitulant Saint Antoine prêchant un poisson échoué sur la plage, 1892 pour créer Le poisson et le vapeur 1920-1929. Ces artistes ne sont pas les seuls à hériter de l’influence de notre artiste.

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Bien que des liens et des influences se tissent à travers Böcklin et plusieurs artistes, il est effarant de constater qu’il soit encore très peu connu en France dans les années 2000 alors qu’il possède une renommée internationale. De plus, quelques uns de ses travaux ont été montrés en 1976 au Jeu de Paume à Paris. Il faut attendre la grande rétrospective au Musée d’Orsay sur l’artiste en 2001(exposition provenant de Bâle) à l’occasion du centième anniversaire de sa mort pour que la méfiance envers cet artiste adulé par Hilter pendant la Seconde Guerre Mondiale s’envole de France. En effet, on considérait à l’époque cet artiste du côté français, comme un germaniste,  comme « un artiste admiré que par les hommes de sa race » (3).

Depuis les années 70-80, les expositions se sont multipliées partout en Europe mais également outre Atlantique aux Etats-Unis avec une exposition en 2000 au Museum of Fine Arts à Houston.

 

(1)  http://www.artlinefilms.com/catalogue/arnold-bocklin

(2)  http://www.musee-orsay.fr/fr/evenements/expositions/au-musee-dorsay/presentation-detaillee/article/lovis-corinth-7834.html?S=&tx_ttnews%5BbackPid%5D=649&cHash=e0e585ab0f&print=1&no_cache=1&

(3) http://www.nytimes.com/2002/01/12/style/12iht-bocklin_ed3_.html

Vic.H